Angie, jeune autiste asperger de 27 ans au bord du gouffre, était devenue, depuis l’ultime pandémie, ce que les Japonais appellent une Hikikomori.
Résidente d’un appartement sommaire de la rue des Rosiers à Paris, elle se faisait livrer ses repas quotidiennement, et pouvait passer des journées entières dans son monde de Metaverse, avec ses amis, sans voir le jour.
Aujourd’hui, mise à la porte par son propriétaire, elle est condamnée à errer d’hébergement sauvage en camp de fortune, en compagnie de son ami d’enfance Hàxor, ancien employé dans une agence de surveillance, qui a subi le même sort.
Leurs études et recherches spirituelles les ont menés à douter de l’efficacité du vaccin imposé par le Gouvernement et pour refus d’implantation de la puce digitale désormais devenue obligatoire, ils ont été radiés de tous les systèmes médicaux, et par conséquent aussi de leur travail.
Pour son entourage proche et sa famille, Angie a toujours été comme une icône anarchiste, à la fois révolutionnaire et dangereuse. Passionnée d’art et de magie, dotée d’une sensibilité vibratoire inégalée, elle détient une connaissance hors normes des phénomènes de la vie et sait résoudre instinctivement des énigmes par des pratiques et méditations ancestrales. Fidèle adepte du bouddhisme japonais, de physique quantique et de sciences occultes, elle s’imprègne depuis son plus jeune âge d’heures de méditation, prête à surmonter les pires situations pour tester ses capacités.
Initiée par Antonio di Vi, un ami proche de ses parents, procureur et homme d’affaires de sa ville natale, elle voit en lui un exemple, un mentor inégalable qui a toujours eu les mêmes objectifs qu’elle : créer la paix universelle Kosen-Rufu.
C’est pourquoi, lorsqu’un rendez-vous secret est organisé par di Vi dans un lieu tenu hautement secret, elle accepte spontanément l’invitation. Cette ultime formation a pour but d’élever plus encore sa conscience et lui faire toucher du doigt directement ce qu’elle n’a toujours connu que par vibrations : l’Unité.
***
Au crépuscule d’une journée éthérée, où le soleil se retire avec grâce derrière l’horizon lointain, l’âme d’Angie telle une harpe céleste frissonne, prête à vibrer aux harmonies de la nature en compagnie de son guide Antonio. Dans ce monde empreint de mélancolie, où les cieux semblent pleurer d’éternelles larmes, solitaire, baignée d’une douce lueur dorée, elle attend naïve.
Les frondaisons des arbres bruissent dans le souffle d’une brise caressante, murmurant les secrets de la Terre, comme ceux de la rivière, qui glisse doucement entre les rochers pour rejoindre la symphonie du ciel.
Là, au cœur de ce tableau évanescent, ses pensées s’élèvent déjà – les mots de son maître spirituel s’immiscent délicatement dans les recoins les plus sombres de son être, réveillant une poésie enfouie. Dans ce clair-obscur, elle contemple le monde, cherchant une réponse aux questions qui étreignent son cœur. Les échos du passé, comme des spectres errants, résonnent dans son esprit, mêlant les chagrins et les espoirs d’une existence éphémère.
Soudain, une lueur blanche apparaît vacillante et indomptable. C’est la flamme de la beauté qui danse devant ses yeux – qui chante dans les notes d’une symphonie, se reflétant dans les couleurs du paysage enchanteur.
C’est cette étincelle qui anime son âme et l’inspire à exprimer ses émotions muettes, à chercher la vérité cachée dans les méandres du monde.
Ainsi, elle se tient ici, dans ce moment fugace, en quête de mots et de rythmes, cherchant à donner vie à l’inexprimable.
Dans cette lumière divine, elle contemple cet âge agité de l’Humanité – et après la pandémie mondiale qui a ébranlé le monde, elle se sent en mission, devoir quelque chose à tons.
Debout, le menton droit vers l’horizon, au milieu d’un champ de coquelicots, les yeux fermés et les bras levés vers le ciel. Antonio continue à lui murmurer quelques phrases paisibles à l’oreille.
Totalement sereine à présent, elle ouvre les yeux.
— En Inde, dit-il, la première chose que l’on apprend à un enfant qui rentre à l’école, c’est à respirer. C’est ce que tu vas expérimenter aujourd’hui, Angie.
— Je sais respirer, voyons ! s’empresse-t-elle de répondre avec audace.
— Si tu en es si sûre, tu devrais te concentrer sur ce que tu ne sais pas, c’est bien plus intéressant ! Je vais te poser une pastille méta sur la tempe gauche, et tu n’auras qu’à écouter et regarder ce qui se passe. Un hologramme va s’exprimer, elle s’appelle Aurel-IA.
— Mais…
— Il est temps maintenant que vous fassiez connaissance ! Détends-toi, ferme les yeux et écoute simplement. Cela va te servir dans les jours proches !
L’avatar apparaît.
— Bonjour, je m’appelle Aurel-IA. J’ai la charge de te donner quelques instructions pour ta prochaine mission sur Terre.
— Bonjour Aurel-IA, de quelle mission parles-tu ?
— Tu vas être confrontée à des évènements qui ne te permettront pas de garder ton calme. Tu dois écouter ces précieuses instructions pour y faire face, écoute-moi bien ! Le nez a deux faces. Nous utilisons les narines pour inspirer et expirer, n ’est-ce pas ? Elles sont en fait différentes : la droite représente le Soleil et la gauche représente la Lune. Pendant un mal de tête, essaie de fermer ta narine droite et utilise la gauche pour respirer ; après environ cinq minutes, le mal de tête devrait disparaître. Si tu te sens fatiguée, fais le contraire : ferme ta narine gauche, et respire avec la droite ; en un instant, ton esprit se sentira élevé. La plupart des femmes respirent par le côté gauche de leur nez. La plupart des hommes par leur narine droite.
Quand tu te réveilles, de quel côté respires-tu le mieux, le côté droit ou le côté gauche ? Si c ’est à gauche, tu te sentiras fatigué.
Avec la respiration consciente, le corps devient plus fort et plus sain. L’excès de graisse disparaît, le visage brille, les yeux scintillent et un charme particulier émane à travers la personnalité. La voix devient douce et mélodieuse. L’appétit n ’est plus une proie à la maladie. La digestion devient plus facile. Tout le corps se nettoie, l’esprit se concentre facilement. La pratique constante réveille les forces spirituelles latentes, apporte de la joie. Tu apprendras plus encore de notre discipline bientôt.
— Merci Aurel-IA, j’en prends note ! Peux-tu me dire ce qui va se passer dans mon futur proche ?
— Je n ’ai pas l’autorisation de te donner cette information. Désolée. D’autres questions ?
— Non.
***
Conviée à une nouvelle expérience, cette fois, Angie a rendezvous au cœur de la Suisse. Un homme mystérieux, d’origine asiatique, est venu la chercher tard dans la nuit à son domicile, en BMW.
— Qui êtes-vous ?
Malgré ses questions incessantes tout au long du trajet, l’homme ne dit mot. Le message reçu sur son mobile dit qu’elle a rendez-vous avec le grand « G ». Elle n’a aucune idée de ce que cela signifie, mais elle suivra les instructions d’Antonino sans sourciller : une fois arrivée, à 5 heures du matin très exactement, elle doit aller le retrouver à l’est du chalet, au soleil levant.
Epuisée par la route qui n’en finit plus, Angie s’est endormie sur la banquette arrière jusqu’au petit matin, secouée et réveillée plusieurs fois par les virages de la route montagneuse.
Arrivée au lieu-dit, au sommet d’une grande montagne bordée de vastes prairies verdoyantes, elle demande à son chauffeur de l’arrêter pour contempler la beauté du paysage. Le soleil se lève doucement au creux de la vallée, illuminant les feuilles rousses de l’automne.
Sur place, une équipe l’attend déjà. Mais Angie préfère rejoindre Tony, qui se tient debout sur un socle doré tourné vers l’est. Vêtu d’un costume noir, il fixe l’horizon.
— Tu es prête ? demande-t-il en se retournant avec un large sourire.
Angie hoche la tête et s’approche, en ignorant les autres membres du groupe. Positionnée, le corps bien droit et le menton vers l’horizon, elle ferme les yeux.
« Répète après moi : je m’appelle Angie ! » lance-t-il énergiquement.
— Je m’appelle Angie !
Son corps se met à pencher spontanément vers l’avant.
— Répète maintenant : je m’appelle Frédégonde.
Elle n’a plus aucune réaction. D’abord, son corps reste immobile durant quelques secondes, puis se met à vaciller et basculer vers l’arrière.
— Très bien, c’est même très bien ! Tu es prête !
Sous les regards attentifs des autres membres du groupe, Antonio s’approche d’elle et lui souffle un son à l’oreille, lui décroise les bras, et les écarte doucement vers le ciel, pour la connecter au champ quantique.
Un puissant flash de lumière surgit et vient leur couper le souffle. En apnée totale, ils démarrent ensemble une introspection qui fait frémir la jeune femme. Elle s’abandonne et explose d’extase dans les bras de son maître. Dans cet émoi, le temps est infini, Tout dans cette dimension n’est qu’extension d’elle-même.
En larmes et la tête baissée, elle reprend conscience et ouvre enfin les yeux.
— Ahhh ! s’exclament les membres du groupe, voyant le bonheur qui illumine son visage.
Antonio a subi lui aussi la même onde de choc. Dans sa guidance vers l’autre dimension, il s’est imprégné d’elle.
Affaiblie par tant d’émotions, et au lieu de vouloir débriefer de ce qu’elle a ressenti, Angie salue aimablement l’assemblée et quitte les lieux, pour aller marcher pieds nus dans le jardin somptueux qui entoure la propriété. Il fait enfin jour, et le dernier 24
quart de lune commence à s’effacer sous les rayons du soleil qui percent la vallée.
Durant cette douce méditation, les cheveux bercés par le vent, elle chante, les bras rivés vers le ciel.
Non loin de là, Antonio l’observe, bousculé. Ne pouvant entendre ni interpréter ses paroles célestes et enchanteresses, il décide de regagner son hébergement.
Une aube nouvelle s’est levée sur le quartier ouest de Paris qui s’illumine enfin, à la joie de tous. Pendant cinq semaines, une pluie glaciale et interminable s’était abattue sur la Capitale, forçant chacun à apprendre à se protéger autant du froid que d’une attaque mortelle surprise de cyborgs, au cœur d’un hiver qui s’annonce rude.
Tout en remballant ses modestes affaires sur le camp où elle a fait escale, Angie ne pense plus qu’à une chose : aller soigner les probables blessés de la prochaine manifestation pour tenter de changer quelque chose à ces nouvelles règles ordonnées par le Gouvernement.
Des gens totalement perdus persistent à discuter entre eux, autour de poubelles en feu, bien que la police les ait invités plusieurs fois à quitter les lieux. ‘
Hàxor, son plus fidèle compagnon, a veillé sur elle toute la nuit, gérant comme il a pu les groupes d’hommes alcoolisés et violents qui pullulent sur le camp. Ils sont tous maintenant absorbés comme des oisillons par la nourriture spirituelle qu’il leur a servie pendant des heures, parvenant à les hypnotiser de ses paroles engagées.
Trépignant d’impatience, Angie n’a pu fermer l’œil une seconde à cause du froid. Glacée des pieds à la tête, elle se laisse finalement envahir par la colère et l’instinct de survie :
— Ça suffît! s’insurge-t-elle en augmentant le son de sa radio : Rassemblement imminent place de la Bastille.
La voyant furieuse, Hàxor passe directement du rire à sa face dépressive habituelle. Elle l’empoigne alors par le bras, et quitte la scène sans que personne ne daigne broncher.
Au même instant, des drones sillonnent le ciel et détectent les moindres faits et gestes de la population. Tandis qu’une réunion importante a lieu sur la station TES369, construite en orbite à plus de 112 millions de kilomètres de la Terre, par les armées gouvernementales et politiques.
***
Antonio di Vi, aux premières loges et aux commandes de l’opération, entame une courte présentation alors que tous observent la scène sur des écrans géants. Au fur et à mesure, une armée impressionnante d’androïdes se déploie pour capturer Hàxor et Angie sur les lieux de la manifestation.
— La principale raison, explique-t-il à l’assemblée, est qu’Aurel-IA, son prototype d’androïde intelligent, qu’il a créé lui-même en 2016, a perdu beaucoup de crédibilité face à une concurrence grandissante.
Il songe alors à réaliser son plus vieux rêve : pourrait-elle se mettre humainement à penser, aimer, souffrir ? Pourrait-Elle, comme Pinocchio, ressentir réellement des sentiments ? Et pour cela, il est prêt à tout, mise tout sur Angie, la réplique humaine parfaite de son cyborg favori.
— En juin 1965, annonce-t-il en projetant les images en 3D, est apparu ce type d’avion unique que vous voyez ici. Il a été ramené d’Amérique du Sud par la Russie à la suite d’un sabotage d’uAe de leurs stations secrètes. Il a revu le jour dix ans plus tard, en tant que premier bolide antigravitationnel à propulsions magnéto-hydro-dynamique et capable de voler en silence à plus de Mac 10. Certains d’entre eux ont été aperçus en 1989 et 1990 par la population, qui a cru fermement à des ovnis – les modèles responsables étaient les Astra DR3B ou les XR7, semblables à des plaques de forme triangulaire, avec trois points luminescents à chaque extrémité.
— Oui et la Nasa a correctement géré la situation ! s’exclame Ezéquiel, l’un des membres les plus influents du Conseil. r
— Evidemment ! reprend di Vi. La mise en œuvre de ces avions sur le terrain va encore susciter des rébellions, mais peu importe le risque, il faut agir vite ! Il s’agit de récupérer ces deux oiseaux, ils sont une source d’espoir et de recherches pour nous ! Nous avons également sur le terrain nos nouvelles armes lasers û micro-ondes pour neutraliser les manifestants ; ce ne sera pas difficile de les cueillir.
***
— Pourquoi tu souris, Angie ? lui demande Hàxor. Tu ne vois pas qu’on va crever si on va là-bas ? Je t’aurai prévenue, c’est plein de cyborgs partout ! Tu comptes faire quoi d’ailleurs à Bastille, penses-tu sauver tous ces gens ? Tu sais comme moi qu’ils se sont mis volontairement dans la merde et que chacun a signé son contrat licite ! Laisse-les crever, c’est leur Karma, bordel ! Arrête de te prendre pour Wonder Woman, laisse les cons tranquilles !
— Ecoute, je sais qu’on a déjà gagné, alors arrête ton baratin, il faut y aller maintenant ! Tu jettes des pavés dans notre marre, à force de râler. Et puis, tu me fais chier avec ta négativité ! On n’a pas le temps, allons-y !
— J’ai besoin de dormir moi ! Tu ne crois pas que je vais faire des kilomètres .à pied parce que « Madame » a besoin de se prouver des choses ! Encore irréfléchies selon moi ! Voilà la réalité, chérie : tu rêves carrément… J’avais une surprise pour toi, mais tu me n’écoutes jamais !
— Avance, gros fainéant ! Ce n’est pas si loin ! Et pas question d’attendre ici, on va se faire embarquer par les cyflics ! Sur le chemin avec un peu de chance, on trouvera quelque chose à manger et du café pour nous réchauffer !
***
Les feuilles dansent et tremblent sous le vent glacial, la route a été pénible et semée d’embûches. Bras dessus bras dessous, Angie et Hàxor déposent leurs affaires sur un coin de trottoir, alors que la plupart des manifestants se sont déjà installés depuis trois heures du matin. Sur leur chemin, ils ont ramassé quelques magazines et prospectus jonchant le sol pour garnir leurs chaussures contre le froid et la pluie.
La grisaille s’accentue, malgré les timides lueurs du soleil qui tentent de percer les épais nuages noirs. Au grand désespoir de tous, la pluie fine de l’aube vient encore se transformer en trombes d’eau : le pavé sent le chien mouillé, et les stands clandestins de vin chaud sont vite surchargés.
Enfin assis au milieu de la place de la Bastille, Hàxor ne tarde pas à s’assoupir, la tête posée sur l’épaule de son amie. Adossée à la Colonne de Juillet, Angie mesure du regard les quelque cinquante mètres de hauteur. Le bel inconnu de bronze, recouvert d’une couche d’or qui danse au sommet, représente pour la jeunesse en pleine rébellion une figure féminine de liberté. Cet ange qui semble bientôt s’envoler et brandit une flamme, populaire pour s’être défait de ses chaînes et pour son impertinence, est avant tout synonyme d’éveil, d’union des âmes vers un but commun : la liberté.
Le regard fixé vers l’horizon brumeux, elle profite de cette accalmie pour réfléchir à sa vie, songe au fait qu’elle n’a jamais rien réussi de bien au regard de ses parents, de sa famille proche – ce qui a flingué toute sa confiance en elle dès le départ, et jusqu’à peu.
Mais cette solitude lui aura été si bénéfique qu’elle en a les larmes aux yeux. Au final, elle se sent forte et puissante, au point de vouloir soulever le monde. Bien qu’elle n’ait aucune idée de l’avenir, elle frissonne. Son intuition lui rappelle sans cesse que quelque chose d’incroyable est en route : les soubresauts de la vie, les épreuves n’en finissent plus ces derniers temps. Pour elle, cela a toujours été bon signe.
Dans ses moments les plus sombres, elle se remémore cette citation de Nichiren, qui ravigote chaque fois toutes les cellules de son corps : Un grand mal est toujours suivi d’un grand bien.
Elle réalise qu’une fois une certaine connaissance acquise, le bonheur durable et absolu n’existe pas ou seulement pour s’enchevêtrer vers d’autres problématiques, plus grandes, et répondre à des questions fondamentales sur le but de l’existence humaine. Elle se promet encore de continuer à croire à la magie surprenante de la vie. Son chemin est devenu maintenant comme un terrain de jeu. Elle jouit de cette foi intérieure indéfectible, qui lui permet de tout remettre en question et d’avancer avec courage.
Des sirènes se mettent à retentir au loin. Et bientôt surgit au bout de l’avenue principale une colonne de camions militaires blindés. Les chefs de groupes se lèvent d’un seul homme, hurlant dans les hygiaphones à la population de déguerpir, tandis que des stroboscopes et des lasers lumineux venus du ciel aveuglent les fuyants qui se sont mis à courir dans tous les sens.
Immédiatement réveillé par le vacarme et les cris, Hàxor plaque instinctivement Angie contre le mur, évitant qu’ils ne soient tous deux emportés et écrasés par la foule devenue hystérique.
— Il faut qu’on se rapproche de la Police, vers ce bâtiment là- bas ! s’écrie-t-elle. Regarde ce que ces foutus robots sont en train de faire ! C’est quoi tous ces flashs ? Les gens tombent comme des mouches ! Vite, il faut partir maintenant !
Elle s’élance à toutes jambes vers l’endroit où les gens semblent s’agglutiner le plus en masse – tant pis si Hàxor ignore sa requête. Il se moque de la voir partir, lui jetant un dernier sourire et un signe obscène de la main.
— Chacun sa merde ma chérie ! ajoute-t-il. Tu verras qu’il fallait m’écouter…
Partant d’un éclat de rire, Angie réalise au même moment que de nombreux corps inanimés jonchent le sol, allongés tels des pions d’échiquier et que d’autres hommes les zippent dans des combinaisons noires pour les empiler dans des fourgons. Quelle horreur ! Il est temps de passer à l’action, pense-t-elle.
En toute confiance, les mains en l’air, elle s’avance, avec pour seule protection l’immense croix blanche qu’elle porte au dos de sa veste et sa mallette rouge de secours. Mais un drone, alerté par sa présence, vient se positionner au-dessus d’elle et lui ordonne de s’agenouiller. Encerclée et gazée en quelques minutes par une patrouille de dix cyborgs, elle disparaît sous les yeux d’Hàxor, à la fois hilare et dévasté.
Elle est embarquée dans un fourgon qui rejoint une file d’une trentaine de bolides identiques. Durant le transfert, elle tente de se débattre, se tortillant dans tous les sens malgré les coups de taser. Enfin stabilisée, elle écoute attentivement chaque son et chaque mouvement, ignorant qu’elle se dirige vers de grandes galeries creusées dans les bas-fonds de la Capitale, dans un camp souterrain ultra-sécurisé, nouvellement construit pour les récalcitrants au nouveau système. A demi consciente, elle tente d’ouvrir les yeux, mais rien n’y fait… Elle se positionne alors en position fœtale, en se remémorant les conseils d’Aurel-IA : Ferme ta narine gauche et utilise la droite pour respirer, tu te sentiras rapidement élevée…