Au cœur de la plus innovante prison pour femmes de Paris, Angie et les Sukeban sont constamment surveillées par des caméras et des drones. À chaque action, leurs gestes sont scrutés au millième près. Devenues les potentiels rêvés pour l’élaboration du plan d’Antonio di Vi sur la station TES369, il décide de réunir sa meilleure armée pour aller les récupérer sur Terre.
Les huit gars présents, des hosts, équipés à la dernière pointe technologique, tentent de rester attentifs à son discours malgré l’agitation. Choisis avec soin comme étant l’équipe la plus compétente, ces hommes avides de sensations n’ont plus rien à perdre et déjà tout à gagner.
— Je vous préviens messieurs ! annonce Antonio en haussant la voix tel un général. L’air conditionné est tombé en panne ! Il va falloir être courageux !
— Et comment pourrais-je sauver ces gens, si j’implose avant même d’atterrir chef? rétorque Hàxor en ricanant. Enfin Tony, vous avez conscience qu’avec ce vieux coucou en mauvais état, nous sommes faits comme des rats !
Silence général.
— Mais non, je plaisante ! reprend-il avec un humour qui laisse toujours ses co-équipiers inquiets. Ce vaisseau est une véritable merveille ! Un vrai bolide avec sa technologie minutieuse ! J’aime tellement ces vieilles coques mécaniques réhabilitées… de vrais bijoux indestructibles ! Allez les gars, on va chercher des filles aujourd’hui, et pas n’importe lesquelles, il va y avoir du spectacle !
— Calmez-vous, Hàxor, avec vos élans reptiliens ! reprend Antonio amusé. Le Conseil est de tout cœur avec vous, vous le savez ! Cette mission est fascinante certes, mais vous allez récupérer le clan des clans – restez clairvoyant ! Et puis, ne vous excitez pas trop vite avant l’atterrissage ! Les Chinois ont déployé une armée de 28 000 soldats partout sur le sol, sans compter les androïdes dont on ne connaît même pas la provenance ! Ceux-là sont prêts à vous dégommer, ils ne font aucune distinction. Vous devrez être absolument invisibles, et atterrir au bon endroit. Pas de panique avec les nazis, leurs troupes se sont expatriées aux États-Unis. Mais pour les plaisirs de la presse, il en reste certains sur le territoire, alors restez alertes et unis ! C’est l’erreur qui a perdu le général Paoli, dans la bataille de Ponte-Novo en Corse avec Napoléon en 1769, sous le règne de Louis XV : leur dés-unification ! Et ce qui vous distingue vous, Hàxor de tous les autres, et j’entends vos objections récurrentes sur la vitesse insuffisante de cet appareil à vos manœuvres, c’est votre vivacité, votre intuition, vous êtes le meilleur et vous le savez ! J’ai confiance en vous ! Vous connaissez parfaitement Angie, elle sera heureuse de vous revoir et vous suivra sans la moindre hésitation ! Et souvenez-vous messieurs, nous ne sommes pas dans un jeu vidéo, apprenez à vous canaliser et restez concentrés !
— Merci pour toutes ces précisions chef ! Mais je crois qu’il est utile pour l’instant de ne pas lui révéler la vérité sur mon identité, Angie est trop imprévisible ! Je porterai un uniforme, elle ne me reconnaîtra pas. Je vous la ramènerai de son plein gré, saine et sauve sans le moindre heurt, je vous promets !
— Entendu Hàxor, si vous voulez jouer avec elle, c’est votre problème, tant que vous respectez notre contrat ! Quant à vous autres, écoutez bien mes instructions : Moscou et Pékin ont transformé la zone autrefois Pacifique sud en un véritable terrain de guerre. Ils ont militarisé l’espace avec des drones tueurs pour éviter toute intrusion aérienne, des armes à énergie dirigée ; et plus encore, dans le but d’exploiter les centrales nucléaires, non seulement celles encore existantes, mais aussi les autres centrales quantiques nouvellement et secrètement installées. Même si vous appartenez au R-E-D, vous n’en faites en quelque sorte pour eux plus partie ! Désolé, mais ils l’ignorent totalement et vous abattront sans aucune distinction ! Toutes ces armes à énergie directe, aussi connues sous le nom de Dew, ont été officiellement déployées : ce qui autorise les autorités à éliminer n’importe qui, n’importe quand et sans aucune poursuite. Nous sommes une société secrète certes, mais pas immortels ! Rappelez-vous que cette arme déploie un faisceau d’énergie ultra concentré, notamment des lasers à microparticules, auxquels personne ne peut survivre à moins d’une solide combinaison ! Vous en êtes équipés, soyez rassurés, mais tout risque n’est pas écarté ! Vous atterrirez en zone H. Une escorte avec des agents anonymes et assermentés vous attendront, avec des voitures diplomatiques en bas. Vos parachutes sont indétectables, tout a été parfaitement planifié.
Hàxor, vous avez carte blanche pour anticiper les opérations ! Quant aux autres, vous êtes tous sous sa responsabilité absolue ! IT aucun écart ne sera toléré, sinon l’exécution, compris ?
Quand le ciel est clair, la terre est visible, quand le ciel est visible, la terre est claire.
Nichiren Daishonin
L’alarme de sécurité retentit dans toute la prison, obligeant les détenues à s’allonger au sol, ventre à terre, et mettre les mains derrière la tête comme à chaque exercice – le front collé au balatum, sans l’autorisation de faire le moindre mouvement. Angie et les Sukeban, quotidiennement fouillées, obtempèrent immédiatement, mais un groupe d’androïdes vient ouvrir la porte de leur cellule, les menotter et leur mettre une cagoule sur la tête sans la moindre raison.
— Que se passe-t-il ? hurle Enza totalement paniquée.
— C’est le moment ! annonce Angie à ses camarades, tout à coup plongées dans le noir total. Soyez fortes et restez unies ! Nous quittons notre zone de confort !
Toutes les trois parquées dans un fourgon, qui a file à une vitesse incroyable et secouées au moindre virage, elles échangent durant tout le voyage quelques paroles d’encouragements pour se rassurer.
Lorsque l’escadron arrive au pied de la pyramide du Louvre, seule Angie est libérée de ses liens. Elle connaît le site depuis déjà bien longtemps :
J’ai choisi d’errer ici autrefois par instinct, songe-t-elle. D’apprendre les mystères de ce lieu grâce aux anciens, à mes oncles. Ils avaient eux-mêmes fait ici de longues promenades et y ont laissé un baume éternel à travers leurs récits et leurs sons. Ils ont semé des ondes ici et là sous les rayons lumineux de la pleine lune et du soleil comme Nichiren, si belle et au rendezvous ce soir.
— Suivez ce coidoir à gauche, dit le seul androïde qui a pris la parole depuis le début, remarque-t-elle. Elle s’imagine qu’il est le chef de troupe, étant donné que les autres cyborgs suivent ses ordres et se contentent d’encercler les filles restées prisonnières – inspectant les mouvements aux alentours et brandissant leurs armes dès qu’ils entendent le moindre bruit.
L’équipage atteint maintenant un grand escalator qui mène à une chambre, au-dessous de la Pyramide – la pièce semble totalement insonorisée malgré le vacarme assourdissant des moteurs des machines.
— Putain ça caille ! lance Enza en tee-shirt, avec la chair de poule sur les bras. Il fait un froid de canard ici bordel !
— La ferme! rétorque Florence. T’arrête jamais de la ramener toi ! Tu me gaves à la fin ! Et je n’ai pas envie d’y rester à cause de ta grande gueule !
— Pas de panique ! reprend Angie. Nous sommes dans une sorte de tombeau mortuaire en marbre, c’est pourquoi il fait froid. Il y a aussi un gros vaisseau avec une coque d’or sur une plateforme. On dirait un aigle royal, avec des inscriptions russes et japonaises, je ne sais pas ! Des hiéroglyphes égyptiens aussi… Enfin, je crois ! Et sur toute la tête de l’animal, sur son bec il a écrit AW727 c’est tout ce que je peux déchiffrer. Allez, suivez- moi !
Les filles sont alors invitées par Hàxor à embarquer dans cet oiseau d’un autre temps qui vient de mettre les gaz, et semble à présent prêt à décoller. Sous son équipement, et sous une voix robotique méconnaissable, il lance le top départ. Les Sukeban viennent à leur tour d’être libérées de leurs entraves et peuvent au même titre qu’Angie, voir le beau spectacle qui les entoure.
— Merci d’accrocher vos ceintures de sécurité ! annonce l’Intelligence Artificielle du bolide. Arrivée à destination dans trente minutes.
Durant tout le voyage, un adagio italien retentit, laissant monter en elles une vibration aussi intense qu’inexplicable.
L’aigle d’or s’élance alors dans le néant à une vitesse folle, traverse un anneau de lumière et file vers un champ d’électricité plus rapide que la lumière vers le grand univers.
À la vue du site splendide qui apparaît petit à petit par les hublots, telle une cité éclairée qui plane dans le néant, Angie et les Sukeban se mettent à pousser des cris de joie. Elles trépignent à présent comme de jeunes filles de 15 ans, innocentes et curieuses, bien qu’elles volent vers l’incertain – elles se sentent comme de petits papillons rejoindre leur soleil prometteur.
À l’arrivée sur la station TES369, quelques autres cyborgs les accueillent aimablement, puis, à la suite d’une visite rapide de diverses entrées et de la magnifique biodiversité du site, les filles sont invitées, via un message collectif par met aver se, à rejoindre leurs capsules numérotées, pour un petit temps de repos.
Devant le Grand Conseil universel, Antonio di Vi ajuste sa cravate et redresse le petit nœud bleu de sa poche droite, étant le seul autour de la table à avoir le regard pétillant. Quant aux autres, le visage bouffi par un réveil brutal, et l’air chiffonné par les lourdes responsabilités qui les incombent quotidiennement, se demandent à quelle heure cette mascarade se tenninera, et quand ils rejoindront leur bulle de sécurité – sans déborder, bien sûr, sur l’heure du petit-déjeuner.
Comme ses camarades de jeu, Angie découvre son nouveau quartier, ainsi que sa charmante petite cabine blanche incrustée dans un mur qui ressemble à une immense ruche, avec des compartiments qui s’étalent à perte de vue – le design et la haute technologie de l’habitacle sont tout à fait à son goût et la laissent stupéfaite : pas d’interrupteurs, tout se commande à la voix. Une jauge indique même le taux d’oxygène, la luminosité et la réaction corporelle face à l’environnement. Un objectif en forme d’œil dont le centre brille comme un diamant semble l’observer du plafond, mais elle s’en moque. Cela lui rappelle son enfance où elle passait des heures interminables à réfléchir enfermée dans la cave de son grand-père – un génie en physique, électronique et informatique pour son époque. Il la punissait pour des raisons ridicules, très souvent pour rébellion et l’obligeait à terminer les dimanches après-midi à méditer dans cet endroit bourré de néons et de vieilles caméras ; il cherchait à rejouer avec elle ses propres souvenirs de guerre.
Pendant les vacances d’été, elle devait passer des nuits entières dans la forêt, avec une carte et des solutions de survie – ne lui laissant aucune lampe de poche ni nourriture. Convaincu qu’elle serait capable de retrouver son chemin, il essayait seulement par-là de lui enseigner la foi. Même si elle subissait parfois beaucoup des souffrances impitoyables et croyait parfois périr durant les épreuves, il voulait qu’elle lui ressemble : être une vraie résistante.