Voici une nouvelle que j’ai rédigé à la fin de mes études, avant que je sois réellement atteint par la paranoïa, et les troubles mentaux que je connais actuellement. Je pense qu’elle est assez caractéristique de mon état actuel.
» I- Au parking
Le fou est celui qui a perdu la raison, ou bien qui ne la jamais eu. La raison, c’est à dire? Je ne sais pas trop, j’essaye de savoir où elle se trouve depuis bien longtemps, et quand il me semble l’apercevoir au loin, elle se dérobe sous mes pieds et s’éloigne de plus belle sous d’autres auspices. Je la pleure et pourtant, elle ne m’aime guère, cette raison. J’aimerai tellement l’apprivoiser, la prendre dans mes bras et l’embrasser de toute mes forces. Mais elle n’est pas une personne, mais non! Pour moi, c’est, surtout une façon de penser et de se sentir vivre. Comment puis-je en être sûr? Car on ne peut comprendre l’âme d’une chose que lorsqu’elle nous manque, dès qu’elle nous appartiens elle disparaît sous nos yeux bien que la substance y soit. C’est donnant, donnant! Ainsi la matière se sacrifie perpétuellement, et sous nos yeux, dans l’unique but de nous servir. J’en conclus donc, que nous sommes des meurtriers en puissance.
La volonté de puissance! voilà ce que nous ne sommes pas. Car pour vouloir la puissance, il faudrait déjà savoir ce que cela peut bien être. La puissance induit la mort subite et provoquée, car qui dit puissance dit énergie, qui dit énergie, dit « oxydation » consumation, et personne ne veut mourir. Pas même les objets, qui n’ont rien demandés par ailleurs. Nous ne sommes donc pas volonté de puissance. Mais volonté de vouloir la puissance, sans même parvenir à la vouloir directement. C’est la volonté des dépressifs. Car vouloir vouloir, c’est déjà faire l’effort d’une volonté, c’est donc un fait. Mais pas celui que nous croyons. Car il est interposé.
Donc pour être dans la raison, il faut vouloir vouloir, sans vouloir directement. Car vouloir directement s’est se mettre en face de « choix » cornéliens qui me mettraient dans l’embarras de l’action. Cette action, que nous décidons, malgré tout car il nous faut bien vivre tout de même. Mais il faut faire attention. Car il y a le nécessaire, et le superflu. On dira donc raisonnablement qu’il y a volonté, lorsque le choix est optionnel, non obligatoire, c’est à dire lorsqu’il est libre. La raison est donc opposée à la liberté du choix, il nous enchaîne à la nécessité. Nous comprendrons ainsi pourquoi, en réalité, peu de nos actes sont réellement libres. Et lorsqu’ils le sont, ce sont la plupart du temps des actes de folie. Ainsi, et de façon imagé, on peut dire que celui qui est fou, aura tendance à faire passer le dessert avant le diner, faire des choses incohérentes, voir même absurdes, car ce qui n’est pas nécessaire, et n’a aucune utilité matérielle ou symbolique (ex: une oeuvre d’art) n’a aucun sens. Il est utile de voir ici à quelle point la notion d’utilité est relative ici. Car tout le monde trouvera sa propre utilité. Tout cela est propre à nos esprits et à notre environnement. Il est donc important de parler ici de sens commun. Concept encore plus flou, mais dont on comprend aisément le sens général, ce qui est un avantage. Le fou sortira donc de l’utilité commune pour se créer ses propres nécessités sans réel rapport avec la précédente, mais suivra tout de même une logique, propre et inhérente à la personne concernée. Cette personne n’est donc pas totalement folle pourrait t-on penser, et à tort. Pourquoi? Car cela suppose la conscience de l’acte en lui même, et de sa signification dans l’absolu. La conscience de l’ acte déterminera donc l’état de folie, et même la nature de la folie, si folie, il y a.
Le fou serait donc un inconscient? Oui. Alors pour être raisonnable, il s’agit d’être conscient de ses actes. Le problème arrive quand la conscience se dérobe ou n’existait pas au préalable. Ainsi, aucun de nous est à l’abri de ce fléau. Pourquoi? Car la conscience a tendance à s’annihiler, car le fait de se rendre compte que l’on existe est fatal pour notre être. Se regarder dans un miroir et se dire je suis provoque l’anéantissement du fait d’exister de par le fait du non-sens du terme dans son ineffable perpétuité. C’est la mort dans l’âme que nous nous apercevons de la vacuité de notre d’existence et de la conscience de cette existence qui elle même s’efface, face à l’ineptie du soi. La prise de conscience n’est donc pas toujours bonne à prendre. Et c’est pourquoi la principale activité et préocupation de l’homme depuis non pas toujours, mais depuis le superflu, même s’il a du mal à se l’admettre, est de se « divertir » pour échapper à cette conscience. Le divertissement aura pour effet de dissiper tout malaise qui aurait pu s’insinuer dans ce vaste marasme qu’est la vie. Le but ultime est apparent de tout ce ménage étant de se reproduire!? Car vivre pour se survivre tel semble être le destin des hommes.
Ainsi lorsque Ahmed décide de s’adresser aux voitures du parking de la gare, cela ne lui parait pas abhérent. Quoi de plus normale que de saluer des compagnes toujours fidèles au poste, toujours souriantes, toujours polies. Pour elle, jamais de violence, jamais d’incertitude. Elles étaient là un point c’est tout, attendant sagement que leur « maître » vienne les délivrer de la catalepsie dans laquelle elles sont injustement jetées du matin au soir.
Toutes alignées au garde à vous, elles ne sont pas ingrates, elles semblent s’être données rendez vous pour tenir une discussion autour d’un verre de thé. Rien de plus agréable de voir d’un point de vu humain. Toutefois, cet aspect contraste avec le paysage morne sur lequel elles se détachent. En effet, ce qui caractérise une gare, c’est son aspect de métal rouillé, et de pierres sales … C’est la ville, toujours proche, c’est la circulation, une impression de chien mouillé et de restes de chien mort provoquée par la présence du goudron, qui excepté l’été a l’impression d’être constamment humide. Les voitures, comme des carcassent, gisent sur le seuil de cet immondice, produit de la nature humaine. Le beau et le laid se côtoient dans ce monde, les roues des grosses berlines et petites citadines écrasent le bitume qui sous l’effet de l’érosion et se déploient en milliers de particules de gravats, si caractéristiques de nos villes.
Ahmed regarde le sol d’un air pensif, lui a toujours fait attention à ces détails en apparence insignifiants, mais pas pour lui. Il s’interroge: Pourquoi avons nous tant tendance à mépriser le sol sur lequel nous marchons? Pourquoi fouler d’un pas hautain et distant, cette terre nourricière qui nous a pourtant tout donnée? Le bitume est l’ultime avanie de l’homme, est le symbole de son plus grave pêché, l’orgueil, cela en recouvrant la terre de ses propres déchets. Pourtant, çà et là, elle retrouve ses droits, et repousse dans les fissures, ou les lieux mal goudronnés sous forme de mauvaise herbe, voir quelques fois de pâquerettes, ou bien de coquelicots, bien téméraires toutefois. C’est mélancolique et plein de ressentiments qu’il passe par ce lieu où souffle l’esprit de la médiocrité. C’est un lieu de passage . Pour lui et pour les autres, c’est à dire tout le monde. Les seuls rescapés de cette hécatombe étant les voitures. Une voiture ayant forcément un propriétaire, c’est donc aussi une partie de son âme que ce dernier laisse, malgré lui. Oui, malgré eux. Car Ahmed sait que ces bonnes gens ne viennent pas par altruisme, ces engins sont le produit de leur égoïsme, et à chaque fois qu’il voit une personne à son volant, il ne peut s’empêcher de penser à la monstruosité de sa propre espèce. C’est le regard avide, purement intéressé que nous conduisons nos autos. Quoi de plus rapace, de plus chacal, qu’un conducteur? La course contre la montre débute dés le démarrage. Monsieur ou madame s’étant âprement battu pour trouver la sacro-sainte place. Une fois sur la route, il s’agit de se mettre en rang et de gagner du territoire en doublant, en collant. Tout cela Ahmed le sait très bien, il conduit lui-même, et il lui est même arrivé de ressentir l’adrénaline monter lui, c’est un des plus bas instincts qu’il n’est jamais eu. Ce qui le dégoute profondément, car l’automobile fait manifester chez nous le subconscient, car la conduite, tout comme l’écriture, constitue une émotion à l’état brut dont la graphologie permet de saisir la personnalité au vif.
Ainsi Ahmed est un fou. Nul doute qu’il le soit, car rien ne lui fait le plus plaisir que de l’ entendre dire. La folie ne doit s’expliquer, elle se justifie par elle même sans raison, sans but. Ce concept lui plais bien. Il sera donc fou de profession de foi, car il l’a décidé. Alors, qu’il en soit ainsi.
D’où vient t-il? Il vient de chez lui. Comme des milliers de péri-urbains habitants le Languedoc-Roussillon, il appartiens à ce que l’on appelle communément la classe moyenne. En réalité Ahmed n’est pas si originale que cela. Vivant encore chez ses parents, il se rend à Lunel tout les jours depuis de nombreuses années pour ses études, comme beaucoup le font. Ses idées s’expliquent ainsi facilement .Un étudiant, voici l’explication… Ce doit être un idéaliste tout simplement. Il n’est donc pas original. Il n’a rien d’impressionnant, il est même petit pour son âge. Toujours débraillé, il donne l’impression d’un écolier sorti de quelque école primaire. Manches trop longues, manteau qui tombe d’un côté, ainsi que des lunettes qui semblent animer le bout de son nez , mais le duvet de sa barbe rappelle son âge. La maladresse et l’oublie constant le caractérise. Son mépris de soi et des autres est le fruit de son expérience de la vie et de la principale conclusion qu’il en a tiré: tout n’est qu’intérêt. Le rationnalisme dans lequel nous vivons, n’est qu’un moyen de s’approprier le monde qui nous entoure est de l’aliéner. Ahmed n’est pas seulement un idéaliste, mais un idéaliste-fataliste. Tout geste étant intéressé, il aura tendance à marquer le territoire. Cette observation ne s’est jamais démentie, quelque soit l’acte accompli. Cherchant toujours plus loin les limites de ce phénomène et cherchant lui même à le démentir, par contre exemple, il s’aperçut que ces limites se situaient bien loin en vérité. Seules quelques personnes, généralement en marge de la société ont trouvé une voie intermédiaire, ce sont ceux que nous appelons fou, et les faibles d’esprit. Les religieux ne l’appliquent pas, car leur but intéressé est le paradis au travers de la transcendanc. Il a donc choisi d’appliquer la doctrine de l’acte gratuit et l’intérêt absurde, faute de mieux.
Dans cette perspective, parler aux voitures semblent un bon départ.
Il commença par faire connaissance avec ces dames. Les croiser tout les jours pour créer un climat de confiance réciproque. Puis de jour en jour, il se familiarise. A chaque passage au parking de la gare, son regard embrasse langoureusement toutes les voitures. Il les reconnaît. Il y a tout d’abord la petite Aixam, voiture sans permis, mais si mignonne. Toujours à la même place, Aixam est très matinale. Il y a freelander II, un gorille jouant dans la catégorie des poids lourds, un pdu moins matinale toutefois. Il y a la renault, dont la couleur bleu s’étiole, mais en fleur sur son rétroviseur. Il y a la 205 rouge, la citroën zx. Il les caresse a une pensée pour eux. Un jour, il se décide de les marquer, comme pour leur donner une image pour bonne conduite.
Chaque jour, rendant visite à ses voiture, Ahmed perd le sens des réalités. Il cherche à comprendre le secret de ses voitures. Son espèce était-elle capable de communiquer avec la matière pure.Un coup d’oeil suffisait pour répondre à cette question, dont la plupart des gens savent qu’elle n’a pas de sens. Mais Ahmed, s’abstenait de donner des réponses toutes faites. Il savait observer. Il murmurait à l’oreille des mouches, et des fourmis.D’une infini patience, il s’abstenait de comprendre, il était ouvert. Plein d’amour! Il voulait apprendre à ne plus être lui même, à oublier les malheur de ce monde.
A 18 heures, les voitures se meuvent. Il les regardaient. Mais voyait de moins en moins, les personnes qui montaient à l’intérieur. Leur mouvement étaient si prévisibles, qu’il avait prit l’habitude de les ignorer.à quoi bon les regardaient. Pourtant il prenait le train tout les jours? Il avait appris à les apprivoiser. Ils étaient ce qu’ils étaient, il était ce qu’il était. Un mot, des palabres sortaient de leurs bouches.De l’air putride. Un goût de poustillon mélangé au reste du repas de midi, et du café pris entre deux heures de travaux ou de courses, à Montpellier Saint Roch. La capitale de la région. Au polygone on y trouvait les plus important équipements culturels faisant la fiertè du présidentGeorges Freche. Un bon gros lard. Mais leur lard! Un vieux surdoué aux aires blafard de chien battu, menton et ventre pendants qui dépassait de sa chemise. Son costume ne lui allait plus depuis quelques années. Ses gestes n’étaient plus si assurés, la mort risquait de poindre. Mais sans doute n’y croyait-il plus, il l’attendait sereinement, et voulait crever au combat, servant sa patrie. Une patrie d’hommes pourris, et pervertis par la nature..
D’un autre côté, celui de la matière, si pure, si vive, mais inerte, des deux côtés, lequel choisir?
Lequel?! Putain!!! Répond moi saloperie d’Bagnole
Lequel des deux est bon?
La voiture semblait me regarder d’un oeil torve. Pourquoi n’exprimait-elle pas ce qu’elle avait sur le coeur? Je m’approchait d’elle tentant de saisir l’insensible, l’incompréhensible. Par ici, viens me voir!
Mais elle ne comprenait pas.
Sens tu ma présence?
Ceci la laissait de glace.
Peux tu me sentir?
Elle ne répondit point.
Les roues étaient d’un noir étincelant, dure et ronde, elles symbolisaient la maléabilité du caoutchouc. Un caoutchou tout mou. Non, dure, renforcé par de minces filets d’acier. Mince, mais solide.Il caressait lentement les courbes tracés par les sillons sinueux des rainures. Laissant une trace noir sur sa main. Laquelle il contemplait, et se délecter. Un brouhaha de noir. Une saleté bien poétique.
Sa face était de marbre son expression de bronze, rien ne pouvait la troubler. Etais-je dans l’innéfable abrutissement? Ce miroir déformant de l’imbecillité? Pourquoi continuer? Pourquoi m’arrêter? Ces jugements de valeurs méritent-ils d’être prononcés? Immobile, elle m’indiquait mes piètres erreurs d’être humain.La pensée conduit au perpétuel abrutissement. Seul la « tranquilité » compte dans ce monde physique.
J’avais un pied de trop. Celui qui me mettait face à la crédulité. Celle de croire que des mots sortis de ma bouche pouvait avoir du sens. Seul, nous sommes seul!
Par ici, viens me voir !
Je m’assis au sol, sentant sous mes jambes, le dure, la vie de la matière fécale, produit de l’abjection. Me parlait-il?
je sais ce qu’il me reste à faire. Ici dans la gare, le train va passer. Je vais rejoindre la perfection du monde des « structures du vides »un monde où personne ne s’adresse, ni s’occupe de quoi que soit. Un monde où les murs sont silencieux, où des regards nous scrutent dans un impénétrable labyrinthe de legos qui s’enchevêtrentà l’infini. Cet ADN du néant. Je le touche du bout du doigt sans reconnaitre les firmaments de l’obscurité. Je m’approche du bord. Le train siffle d’un coup grave, reflet du métal revêtement dont il est fait Le basculement, ne dure pas, il est si intense, que j’oublie de reconnaître l’existence.
L’oubli. «
Voilà, c’est fait. Cela résume bien mon évolution mentale, et ce que je suis devenu après.